Impressions d'une session extraordinaire

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Peter Frei est avocat à la retraite et membre du comité de Sosf. Il s'est infligé le spectacle de la session parlementaire extraordinaire sur le thème "asile et souveraineté" appelée par l'UDC. Il nous livre ici son commentaire, nourri par ses années d'expériences du côté du droit comme celui de la politique d'asile.

 

À la demande de l'UDC, les deux Chambres ont discuté et décidé de nombreux objets en matière de politique d'asile et de migration les 10 et 13 mars 2025 dans le cadre d'une session extraordinaire. Sosf a déjà rendu compte en détail des affaires à venir dans le cadre de son suivi du travail parlementaire.

 

J'ai suivi en partie en direct les deux journées de la session extraordinaire sur l'asile. La mécanique parlementaire a été très instructive pour moi. Le Parlement débat strictement selon les numéros des différents objets. Les propositions identiques ou similaires sont réunies par la direction de la séance et discutées entre elles. Les porte-parole des commissions compétentes sont d'abord entendu·es. Ensuite, une discussion supplémentaire a éventuellement lieu -- selon le poids de l'intervention. Le/la Conseiller·e fédéral·e en charge peut alors commenter les interventions et proposer de les accepter ou de les rejeter. Les parlementaires peuvent ensuite adresser individuellement une question (mais pas de commentaire !) au Conseil fédéral. Le vote a lieu ensuite sur chaque objet.

 

Le niveau des débats était très variable. Peu de prises de paroles étaient approfondies, plusieurs étaient choquantes d'absence de connaissance du sujet, voire non essentielles. L'inquiétude de la population a été sans cesse évoquée. Pour éviter que celle-ci ne s'accroisse encore, il faudrait désormais prendre des mesures efficaces pour protéger les réfugié·es qui ont droit à l'asile. Le fait que la plupart de ces mesures n'aient qu'un caractère symbolique, qu'elles soient difficilement réalisables, voire qu'elles soient contraires au droit international, a été parfois clairement reconnu. Mais le vote a tout de même été approuvé, avec nonchalance...

 

Une fois de plus, j'ai pris conscience de l'influence considérable des séances de commission. La plupart du temps, le Conseil dans son ensemble ne s'écarte plus des résultats de ces délibérations, sauf en cas de doutes massifs de la part des partis bourgeois. C'est ainsi que le conseiller aux États du Centre Würth a réussi à convaincre le conseiller aux États UDC Germann de retirer sa motion 24.3516 visant à modifier l'article 22 de la loi sur l'asile (procédure à l'aéroport), selon laquelle des centres d'asile fermés devraient être créés à la frontière. Würth a invoqué la géographie (contrairement à l'Allemagne, il y a un manque de place dans la plaine du Rhin) et l'impossibilité réelle d'enfermer pendant des semaines les réfugié·es jusqu'à la décision. 

 

Le conseiller fédéral Jans a pris la parole à la fin de chaque discussion. Il a pris beaucoup de temps et a tenu des positions engagées, mettant l'accent sur la sécurité de la société et expliquant en détail ce que les autorités font déjà aujourd'hui dans le domaine de la migration. Au Conseil national, il a dû répondre aux questions et commentaires critiques de nombreux représentant·es de l'UDC, qu'il a spontanément parés. Dans ses interventions, il a qualifié de nombreuses propositions de contraires au droit international et/ou irréalisables.

 

Toutes petites victoires et amères défaites

Au moins, le Conseil des États n'a pas adopté de nouvelles restrictions au regroupement familial. Néanmoins, ce même conseil a également approuvé des interventions qui vont clairement trop loin. Ainsi, la motion Friedli (24.4429) "„ Protéger enfin la population: Pas de procédure d'asile et pas de droit de rester pour les criminels" par 30 oui contre 10 non et la motion Schwander (24.4495) "Protéger la population. Limiter systématiquement la liberté de mouvement des criminels en matière d'asile" a été adoptée par 28 oui contre 11 non. 

 

Par ailleurs, le Conseil des États souhaite que le Conseil fédéral mette en place un paquet de mesures d'accélération pour le domaine de l'asile. Il a également adopté les motions Salzmann 24.3498 et du groupe UDC (24.3059) „ Systématiser l'échange de données sur les migrants en situation illégale ", bien que les lois correspondantes, si elles sont édictées, puissent conduire Sans-Papiers à une précarité totale. 

 

Enfin, la Chambre des cantons a rejeté la motion Schwander (24.3515) "„ Les requérants d'asile qui transitent par un pays sûr ne sont pas des réfugiés " et l'a ainsi liquidée. Certains craignaient que la motion n'affaiblisse le système de Dublin, dont la Suisse profite dans une proportion de 3:1 (!). 

 

Le Conseil a finalement accepté la motion Fässler (24.3937), selon laquelle les décisions de renvoi devraient être exécutées plus rapidement et plus systématiquement. Et ce, bien que cette motion puisse rendre plus difficile le retour volontaire des personnes déboutées, comme l'a fait remarquer le conseiller fédéral Beat Jans. Les interventions adoptées sont maintenant transmises à l'autre conseil ou à sa commission compétente. Des lois finales n'ont donc pas encore été décidées, mais les deux conseils sont d'accord sur la plupart des points concernant une certaine nécessité d'agir.