La session d'automne 2022 du Parlement fédéral

Article
Palais fédéral

Partout où il est question de droits fondamentaux et de politique migratoire, Sosf suit les parlementaires de près. Nous avons analysé les principaux points de discussion des semaines à venir - malheureusement, il n'y a pas que du positif.

Sous couvert de sécurité, les autorités continuent de renforcer la surveillance et le contrôle. Cela passe notamment par des instruments tels que le système européen d'information et d'autorisation de voyage ETIAS et le système d'information sur les visas VIS, qui seront tous deux traités par le Conseil national lors de la prochaine session. Pour que la Suisse puisse rester associée à ces systèmes, il est nécessaire d'adapter la loi sur les étrangers et l'intégration (LEI) ainsi que la loi fédérale sur les systèmes d'information de police (LSIP). Dans ce cadre, l'Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières (OFDT) doit avoir accès à de nouvelles banques de données et à de nouveaux systèmes d'information - c'est-à-dire l'autorité qui sert également d'interface avec Frontex et dont les membres ont jusqu'à présent gardé le silence sur leur complicité dans les pushbacks et les violations des droits humains.

Comme d'habitude lors des développements de l'acquis de Schengen, des atteintes étendues aux droits de la personnalité et le démantèlement des droits fondamentaux qui en découle sont largement avalés sans broncher. La position de Sosf face à cette spatialisation du contrôle par les systèmes d'information Schengen est claire depuis des années : il faut en finir, car cette sécurité se fonde sur des récits de droite. Dans l'avant-dernier bulletin, nous avons publié un aperçu détaillé des "technologies numériques au service de la défense contre l'immigration". Vous trouverez des informations de fond à ce sujet dans la recherche de Reflekt. Désormais, les empreintes digitales des enfants à partir de 6 ans peuvent être relevées pour la collecte de données relatives à la migration. Au lieu d'être investis dans l'isolement et la surveillance, ces millions ne seraient-ils pas mieux utilisés pour garantir les droits fondamentaux et les droits humains ? C’est une nécessité absolue en Suisse comme aux frontières extérieures de l'UE. 

Si l'on en croit la Commission des institutions politiques du Conseil national, les cantons disposant de centres de départ à proximité de la frontière devraient également recevoir davantage de moyens financiers - afin de retenir les demandeur·ses d'asile à court terme et de les expulser le plus rapidement possible. Cela semble douteux du point de vue de l'État de droit : comment les droits fondamentaux des réfugié·es, comme par exemple le droit de déposer une demande d'asile, peuvent-ils être garantis ? Il semble que les pushbacks, c'est-à-dire les renvois de demandeur·ses d'asile sans examen de leur demande d'asile, ne seront pas seulement formalisés, mais aussi soutenus financièrement. 

En outre, le Conseil fédéral propose de maintenir les tests Covid19 forcés en cas d'expulsion. La raison en est que de nombreux pays continuent d'exiger un test Covid19 négatif pour la réadmission des requérant·es d'asile. En acceptant une telle contrainte, les parlementaires perdent leur humanité. Il est peu probable que des voix s'élèvent contre ce projet. Comme lors de l'introduction de la mesure, Sosf s'oppose également à sa poursuite - tout comme de nombreuses organisations non gouvernementales.  

Une lueur d'espoir est venue du canton de Genève avec l'initiative cantonale "Non au renvoi de requérants d'asile dans des pays où les droits humains sont bafoués. Pas de renvois vers l'Éthiopie". Mais celle-ci n'a pas été entendue par la commission : par 8 voix contre 0, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats s'est prononcée contre l'initiative. La pratique du SEM en matière de renvois est appropriée, dit-on. Les voix des personnes concernées et les rapports des médias donnent une autre image - peut-être celle-ci est-elle parvenue à quelques parlementaires. 

Une motion de Lisa Mazzone traite également du thème des renvois. Celle-ci se prononce pour une prolongation de la phase de stabilité pour les futures mères dans la procédure d'expulsion. Cela ne convainc pas le Conseil fédéral, où les hommes sont majoritaires. Il recommande de rejeter la motion. 

Un autre exemple d'initiatives progressistes des cantons vient du nord-ouest de la Suisse : dans une initiative cantonale, Bâle-Ville demande l'accueil de personnes venant de Grèce et une utilisation proactive et plus importante des centres d'asile fédéraux. Les initiant·es se réfèrent à la campagne "evakuierenJetzt" et à l'alliance "Villes et communes pour l'accueil de réfugiés supplémentaires", deux initiatives que Sosf soutient également. Les commissions des institutions politiques du Conseil national et du Conseil des États rejettent toutes deux la proposition - le dernier mot revient donc au Conseil des États. Au vu de la violence dans les régions frontalières et les camps grecs, cette proposition n'aurait été qu'une goutte d'eau dans l'océan. Mais des mesures aussi modestes vont déjà trop loin pour le Parlement, qui continue de soutenir la militarisation des frontières extérieures à coups de millions, comme l'a montré la votation sur Frontex. 

Mais il y a aussi des développements réjouissants, comme par exemple un postulat de la conseillère aux Etats des Vert·es Lisa Mazzone. Celle-ci veut analyser les raisons du faible nombre de naturalisations d'étrangers de la deuxième génération. Et voilà que le Conseil fédéral recommande l'acceptation de l’objet. Mais il ne faut pas en rester à un postulat - des changements pratiques sont nécessaires pour que les gens se sentent les bienvenus, et nous devons les créer. 

Ensuite, il y a toutes sortes d'interventions de l'UDC en rapport avec le statut S. Elles demandent toutes la révision, la limitation ou la suppression du statut S pour certains groupes de personnes ou pour les personnes qui ont fui certaines régions d'Ukraine. Les Chiesa, Stark et Knecht de Suisse montrent leur vrai visage à cet égard également : pour leur agenda xénophobe, ils sont prêts à tout exiger, même si c'est absurde. Heureusement, le Conseil fédéral se montre au moins pondéré dans cette affaire : il rejette brièvement toutes les requêtes. 

Ces différentes interventions montrent avant tout une chose : les moulins du Parlement moulinent lentement et n'avancent pas forcément. C'est précisément pour cette raison qu'une société civile active et infatigable est indispensable à la défense des droits fondamentaux. Ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons un jour réellement vivre dans des villes et une Suisse solidaires et créer un climat empreint d'une culture de l'accueil et non de l'isolement.

 

Bild: Flooffy, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons