Récits de la fuite

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Transpi "Bewegungsfreiheit für alle" bei der Demo in Bern

Lors de la manifestation pour la liberté de mouvement du samedi 30 mars, les organisateurices ont demandé aux membres de la campagne #StopDublinCroatie de prendre la parole. Nous reproduisons ici les deux témoignages qui ont été lus sur la place fédérale.

 

Jassi Lokendé (nom d’emprunt)

Depuis mon pays d’origine, j’ai réussi à atteindre la Grèce. Là bas, j’ai pu trouver un travail. Mais très vite, mon patron a profité de moi. Quand j’ai protesté, il m’a séquestré pendant une semaine. Je me suis fâché et la police m’a jeté en prison pendant un mois. La Croix Rouge, qui visitait les prisons, a obtenu que je puisse aller à l’hôpital pour la blessure que j’avais à la jambe. Depuis l’hôpital, j’ai choisi de prendre la route.

 

J’ai voyagé avec ma sœur et ma nièce. Ma sœur était épileptique et avait une maladie des os, qui nécessitait des médicaments quotidiens. Dans l’un des pays de la route des Balkans, elle a été jetée en prison. Faute de soins médicaux, elle est morte. Je n’ai à ce jour pas de nouvelles de ma nièce.

 

J’ai dû reprendre la route seul. En Croatie, après le passage de la frontière, on m’a jeté en prison. J’y suis resté trois mois. Chaque jour j’étais humilié, battu, violé. J’ai fait une crise, j’ai dû être hospitalisé. Et puis l’hôpital m’a laissé partir. 

 

Je suis venu en Suisse. C’était mon projet depuis le début parce que j’ai ici une personne de confiance qui peut me soutenir. Mais j’ai reçu une décision négative Dublin Croatie. La Suisse veut que je retourne en Croatie. C’est hors de question.

 

Cédric Thomas (nom d’emprunt)

Malgré mon jeune âge, j’ai vécu beaucoup de choses. Tant de larmes ont coulé, mais je veux quand même parler.

 

J’ai 19 ans, cela fait 18 ans que je suis livré à moi-même et que je dois me débrouiller, que je me bats tout seul pour trouver une meilleure vie.

 

Quand je reste comme ça, à y penser, je perds les pédales, je me sens seul, abandonné par tout le monde. Mon frère jumeau, le seul frère que j’avais, est resté dans la Méditerranée. 

 

C’est une douleur qui restera toujours au fond de mon cœur, comme mes parents qui m’ont abandonné. Je ne ressens pas l’amour de mes parents, la chaleur d’une famille. 

 

Avec mon frère, on avait des projets. Il devait devenir footballeur, et moi boxeur. 

 

Sur la route, j’étais en Tunisie, j’ai pensé que ma vie s’arrêterait là. J’ai été en prison pendant deux mois. Chaque jour des menaces, des violences, c’était l’enfer sur terre. Je ne comprends pas comment des humains peuvent traiter d’autres humains comme ça. Comme si on était des extra-terrestres.

 

Des amis m’ont aidé, ils m’ont permis de ne pas perdre espoir. Ils m’ont dit, ton jour viendra, tu n’y couperas pas, mais ce n’est pas maintenant. Par la grâce de Dieu et grâce au soutien de mes amis, je suis arrivé jusqu’en Europe. Grâce à eux, je suis en vie. Mais j’ai tout perdu.

 

J’ai vécu quatre mois en Italie. Chaque jour c’étaient des menaces, des bagarres, j’ai vu beaucoup de sang versé. Je ne pouvais pas rester là, ma vie ne pouvait s’arrêter là. Il me fallait un autre pays, pour vivre, pour avoir le droit de rester, pour travailler. 

 

Cela fait sept mois que je suis en Suisse, j’ai été bien accueilli. Je me sens en sécurité, je me sens plus en sécurité que pendant toute ma vie. Mon souhait c’est de rester là, de fonder une famille, d’avoir des rêves.