Honteux: le PLR imite l'UDC

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Capture d'écran de parlament.ch. La capture d'écran montre la motion de Damian Müller.

Selon le texte de la motion, les demandeur·ses d'asile érythréens ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d'origine, car il n'existe pas d'accord de réadmission et le gouvernement érythréen refuse stratégiquement de rapatrier ses ressortissant·es. C'est l'argumentation de Müller. Pourquoi les Erythréen·nes ne peuvent vraiment pas retourner en Erythrée : ils et elles y courent un grand risque d'être menacés, persécutés et torturés par le régime dictatorial.

La proposition du conseiller aux Etats PLR s'inspire de l'accord controversé conclu par la Grande-Bretagne avec le Rwanda. Par cet accord, la Grande-Bretagne délocalise des procédures d'asile entières au Rwanda. Les personnes y vivent alors dans des conditions très précaires : elles sont expulsées vers un régime autocratique auquel sont reprochés de graves actes de torture, de violence et d'oppression répressive. Müller ne pense rien des droits fondamentaux des personnes concernées, ils lui sont tout simplement indifférents - dans toute sa motion, il n'y a pas un mot à ce sujet, ni de justifications pour expliquer comment une telle procédure devrait être conforme au droit international. Ce qui ne lui est pas égal, c'est le système suisse d'aide sociale. Müller va d'ailleurs vite en besogne, et confond les termes. Les personnes déboutées en Suisse ne touchent pas d'aide sociale, elles touchent l'aide d'urgence, qui se résume à un forfait d’entre 8 et 10 CHF par jour, une place en logement collectif et une assurance maladie obligatoire qui ne couvre en pratique que les urgencse vitales.

Une tempête dans un verre d'eau

Selon les chiffres du SEM, l'aide d'urgence coûte, pour tou·tes les bénéficiaires, pas seulement les personnes erythréennes, 2,3 millions par année. C'est donc une tempête dans un verre d'eau que Müller veut créer, en proposant comme solution un plan d'externalisation légalement questionnable et financièrement ruineux. En effet, ce que Müller ne mentionne pas, c'est que la Grande-Bretagne a dû investir 100 millions pour son projet au Rwanda. 

Car, selon Müller, les 300 demandeuses et demandeurs d'asile érythréens pèsent sur ce système. Cela aussi est cynique. Car il y aurait pour cela une alternative bien plus avantageuse, que même un libéral-radical de droite comme Müller devrait comprendre : Si la Suisse se montrait plus stricte avec les droits fondamentaux et avait une vraie politique d'intégration, les personnes concernées auraient la possibilité de travailler et de contribuer postivement à notre société. Tant que cette possibilité leur est refusée, elles sont contraintes de recourir à l'aide sociale, ou l’aide d’urgence et par la même occasion vivre dans une grande précarité. C'est d'ailleurs Müller, qui en 2018 avait déposé une motion demandant au Conseil fédéral de "lever autant d'admissions provisoires que possible". L'admission provisoire est un statut précaire, mais permet, sous certaines conditions très strictes, de travailler. Lever les admissions provisoires, c'est enlever aux personnes leur dernière possibilité d'autonomie, et les condamner à dépendre de l'aide d'urgence. Müller joue au pompier pyromane, en proposant des solutions farfelues à des problèmes qu’il a lui-même créés.

Participation plutôt qu'exclusion

Il serait donc bien plus avantageux de donner aux quelque 300 demandeur·ses d'asile érythréens la possibilité de participer à la vie sociale que de conclure un accord inhumain  avec des pays tiers tel que  le Rwanda. 

Nous nous sommes demandé s'il fallait réagir à une telle initiative inhumaine ou s'il ne fallait même pas en tenir compte. Malheureusement, l'escalade de la privation des droits des demandeur·ses d’asile, comme en Grande-Bretagne, montre que même les dérogations les plus évidentes aux’principes de l'État de droit et aux conventions internationales relat’ves au droit d'asile ont été mises en œuvre dans un passé récent. La violence systématique aux frontières e’térieures de l'UE en témoigne également. De plus, de telles initiatives sont angoissantes et traumatisantes pour les personnes concernées. C’est pourquoi nous, les personnes concernées, et leur allié·es, disons clairement : nous sommes uni·es contre ces tentatives d’expulser des personnes vers des lieux inappropriés où elles ne peuvent pas mener une vie digne et où elles sont menacées de violence et d’emprisonnement arbitraire. Une autre politique migratoire solidaire est possible. Et nécessaire.